Le gouvernement français a lancé cette semaine une consultation publique d’un mois dans le but de mettre en place un code de bonne conduite pour les influenceurs d’internet. Le projet propose de mieux protéger les consommateurs ainsi que les créateurs de contenus créatifs, et permettra également au ministère de l’Economie de garder un œil fiscal sur un marché très lucratif.
Le métier d’influenceur s’est rapidement développé ces dernières années et représente aujourd’hui plusieurs enjeux socio-économiques en France et dans le monde.
Afin de faire face aux enjeux, le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire a lancé lundi une consultation publique en ligne, jusqu’au 31 janvier, dans le but de mettre en place un cadre pour mieux réguler ce secteur en plein essor.
Un influenceur est une personne qui utilise son statut de célébrité pour vendre des produits ou des services à ses téléspectateurs ou abonnés via ses plateformes de médias sociaux, que ce soit YouTube, Snapchat, Twitter, Facebook ou Instagram.
L’activité touche particulièrement les jeunes, les entreprises de Dior à McDonald’s se disputant l’attention avec le placement de produits via des influenceurs.
Sur les 150 000 influenceurs en France, on estime qu’en moyenne, la plupart gagnent moins de 5 000 €.
Mais, dans certains cas, une seule publication Instagram publiée par un influenceur qui compte plus de trois millions d’abonnés peut être payée jusqu’à 25 000 €.
Responsabilité
“Vous êtes des millions à consulter leurs avis, leurs recommandations dans le domaine de la mode, du sport, de la beauté, des voyages. Ils jouent donc un rôle dans notre quotidien. Ça leur donne une responsabilité particulière”, a expliqué Le Maire dans une vidéo pour le lancement de thé consultation du site web le lundi.
“La grande majorité d’entre eux respectent évidemment les règles. Mais il y a aussi certaines arnaques ou parfois tout simplement certains oublis”, a déclaré Le Maire.
La consultation porte sur 11 mesures réparties en quatre thèmes : obligations et droits d’influence, propriété intellectuelle, protection des consommateurs et gouvernance de l’industrie.
Il a été élaboré conjointement par l’autorité de régulation, les associations de consommateurs, les associations professionnelles et les influenceurs eux-mêmes.
Parallèlement à cette concertation, huit groupes de travail seront menés en janvier et février entre le ministère et les représentants du secteur.
“L’influence représente une opportunité d’épanouissement personnel et professionnel, et c’est mon rôle de ministre de l’Economie et de la Consommation de les accompagner comme il se doit, sans imposer d’obligations démesurées au secteur”, a conclu Le Maire.
gros sous
Les stars de la télé-réalité en France font partie des précurseurs du mouvement d’influence.
Selon un document obtenu par l’équipe du film documentaire de la télévision de France 2 “Complément d’enquête», beaucoup d’entre eux sont « coachés » par Magali Berdah et son agence Shauna Events.
Son agence prend une commission de 20% sur les opérations publicitaires, parfois beaucoup plus selon les profils de personnalité. En 2020, Événements de Shauna réalise un bénéfice de 3 millions d’euros.
Il y a trois ans, Shauna Events a été rachetée par une multinationale du divertissement, Banijay, dirigée par le Français Stéphane Courbit, qui réalise près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Le groupe produit chaque année 2 800 heures de programmes TV, des séries de télé-réalité ainsi que des émissions pour des animateurs, comme Nagui ou Cyril Hanouna.
Les séquences cultes des émissions créent un buzz médiatique qui entraîne un cycle de remonétisation, a déclaré à France 2 le stratège médias Mathieu Jabaud.
“Cela fait monter la communauté des influenceurs, qui pourront alors vendre leurs campagnes, leurs opérations spéciales, le brand content, à un prix plus élevé”.
Transparence
La volonté du gouvernement français d’établir un code de bonne conduite dans ce Far West numérique inclura donc un statut juridique pour les influenceurs, les obligeant à être plus transparents sur leurs revenus à des fins fiscales.
Un système de contrats s’étendrait également aux agents qui gèrent les influenceurs, ainsi qu’aux marques impliquées dans le processus publicitaire.
Selon le Institut statistiqueen 2020, plus de 36 millions de personnes en France étaient inscrites sur un réseau social, dont environ 70 % y accèdent quotidiennement.
Si l’État français s’intéresse de près aux médias sociaux et à leur champ publicitaire, c’est en raison de leur capacité à piéger les consommateurs imprudents.
Des polémiques éclatent régulièrement sur les pratiques des influenceurs qui ne dévoilent pas toujours les relations qui les lient à certaines marques, ou véhiculent de fausses informations sur les produits.
influencer Nabilla Benattia Vergaraavec ses 7,3 millions d’abonnés est connue pour gagner 10 000 € pour une courte vidéo présentant un produit.
Pourtant, la star de télé-réalité a été condamnée à payer une amende de 20 000 € pour avoir fait la promotion de services boursiers sur Snapchat en 2018 sans mentionner qu’elle était payée pour cela.
Dans une “story” sur le réseau social, elle a mis en avant le service gratuit proposé par un site boursier et la perspective de gains conséquents, mais sans préciser le caractère publicitaire de sa publication.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) assimilent la pratique à des “pratiques commerciales trompeuses”.
charlatans de la santé
La France est également consciente du pouvoir des influenceurs lorsqu’il s’agit de prodiguer des conseils, notamment dans le secteur de la santé.
Application chinoise de partage de vidéos TIC Tac est inondé d’influenceurs non qualifiés qui colportent de fausses informations, des mensonges liés aux vaccins et à l’avortement aux mythes sur la santé – souvent pour stimuler l’engagement et les opinions – dans ce que les experts disent peut avoir un impact sérieux sur les décisions médicales.
Dans l’une des vidéos TikTok les plus populaires aux États-Unis, qui a recueilli plus de 2,5 millions de vues, une femme – dont le profil ne mentionnait pas ses qualifications et ne la décrivait que comme une “enfant de mère nature” – faisait la promotion avec zèle de “l’eau d’oignon ” comme remède contre la grippe.
Un porte-parole de TikTok a déclaré à l’agence de presse française AFP que la plate-forme supprime les contenus qualifiés de désinformation médicale qui sont “susceptibles de causer des dommages importants”. Les vidéos d’eau d’oignon, a-t-il ajouté, n’ont pas franchi ce seuil de “préjudice significatif” et n’ont donc pas été touchées.
Cette approche, selon de nombreux experts, souligne le défi auquel sont confrontées les plateformes de médias sociaux qui tentent de trouver des moyens d’éliminer la désinformation sans donner aux utilisateurs l’impression qu’ils bafouent la liberté d’expression.